Il est rare que j’accepte de tester une marque à la demande de ses fondateurs et que j’écrive un article ensuite. Je trouve que c’est délicat car je ne me sens pas du tout légitime pour élaborer une critique de parfum, d’ailleurs je pense que notre manière de réagir face à une création ou une autre car cela fait appel à nos émotion et notre ressenti reste subjectif. Lorsque j’ai été contacté par Bybozo, j’ai hésité à donner suite car j’avais le plus souvent refusé jusque-là mais je suis allé regarder un peu d’où venait la marque et quels étaient les fragrances proposées or elles étaient, pour la plupart, un peu éloignées de mes goûts et je me suis dit que ce serait une belle expérience. J’en ai donc testé six, sur la peau et autour de moi. Je vais essayer de vous en faire un petit compte-rendu. Fondée en 2020 par Hamoudi Khalil, passionné d’art et de mode d’origine syrienne et fortement imprégné par la culture de sa famille, cette maison a vu naitre à ce jour 16 parfums composés par les parfumeurs Paul Émilien et Marzia Tissino. Globalement, toutes les familles olfactives sont représentées, parfois délicieusement détournées, et chaque parfum (dans ceux que je connais) est doté d’une identité forte qui raconte, en somme, les souvenirs et l’histoire d’Hamoudi Khalil. J’ai donc eu envie de vous parler de mon ressenti, de mes surprises et, en somme, des six parfums que j’ai pu porter durant tout un week-end.
« Habibi », créé par Paul Émilien en 2021, est la première composition que j’ai portée et je dois dire, sans ménager le suspens, qu’il est aussi le premier coup de coeur et pourtant, les floraux fruités ne sont pas forcément ma tasse de thé. Je reconnais tout de suite la signature du parfumeur que j’ai connu à travers sa marque éponyme et c’est un retour qui me fait vraiment plaisir. Il en décrit ainsi l’inspiration : « Habibi - c'est une déclaration d'amour sincère et authentique, lorsque vous acceptez une personne avec toutes ses qualités et ses défauts. C'est comme cela qu'on appelle les personnes chères et aimées. Ce mot renferme la tendresse, les soins et l’amour ». Il s’ouvre avec des notes vertes qui vont forcément m’attirer mais, très vite, le côté suave d’un coeur de cerise et d’amande légèrement acidulé par une note de groseille adoucit le parfum qui se dirige vers un fond tendre de santal et de muscs. La note de cerise n’est pas, en parfumerie, très facile à travailler. Elle peut vite faire très synthétique, liquoreuse ou franchement too much. Il fallait l’élégance du travail de Paul Émilien pour en faire un parfum subtil, facile à porter et pourtant doté d’une vraie identité. Alors que je n’en n’attendais rien, je me dis que je pourrais facilement le porter. Il est doux, comme caressant, équilibré et il m’emmène vers de beaux jours de printemps.
J’attendais beaucoup de « Immoral » lancé et créé également en 2021 par Paul Émilien car, sur le papier, il avait tout pour me plaire. La marque en décrit ainsi l’inspiration : « Ce parfum captivant a rassemblé un panier entier de fruits et de baies. La maracuja exotique est associée à la pêche caramélisée. La poire au miel se marie aux feuilles épicées de cassis et à la framboise juteuse. Le panier de fruits au cœur laisse place à des notes florales douces. En notes de fond, la vanille épicée, le patchouli robuste et l'héliotrope enivrant confèrent à la composition une profondeur mystérieuse. Le musc séducteur et le santal crémeux apportent de la sensualité au sillage. Le summum de la joie et du plaisir ! ». Je l’ai donc choisi en second et posé sur ma peau. Il m’a énormément surpris et même dérouté. Je ne m’attendais pas du tout à ça car, avec sa construction un peu néo-chyprée, je le pensais complètement dans mes goûts hors, il est complexe, inattendu et beaucoup plus clivant que je pensais. Après une envolée très solaire de fruits de la passion, de framboise, de pêche, de cassis et de poire entouré d’un accord sable vient un coeur de muguet presque incongru et pourtant élégant puis un fond puissant de patchouli légèrement arrondi par les muscs, le bois de santal, l’héliotrope et la vanille. Imposant, puissant, « Immoral » est sans doute le parfum qui m’a finalement, le moins attiré, non pas par manque de qualité ou d’originalité mais, tout simplement parce qu’il ne me provoque pas les émotions que je recherchais en lui et m’entraîne un peu loin de mes goûts habituels. Je le réessayerai plusieurs fois afin de l’apprivoiser car, je ne comprends pas pourquoi je suis lui suis moins sensible qu’à certains autres. Il n’en reste pas moins extrêmement bien réussi et je pense qu’il plaira plus aux hommes, à ceux qui, dynamiques portent un costume-cravate.
« Le parfum est intime, mystérieux et très séduisant. Il enivre et attire par sa beauté cristalline et sa sensualité. Le poivre rose épicé débute dans les notes de tête. Les sous-tons boisés attrayants interagissent de manière ludique avec la pivoine exquise et sensuelle, conférant une qualité magiquement séduisante à cet élixir aromatique. Le duo séduisant de musc et d'ambre complète la pyramide. Subtil, élégant, délicat et cristallin... Le parfum d'une femme que vous voulez porter dans vos bras ! » Lancé également en 2021 et toujours créé par Paul Émilien, « Décent » est LE fleuri par excellence, avec une douceur toute et un chic très parisien qui, je pense, séduira plutôt une « clientèle » féminine. C’est une formule courte, efficace, avec un départ de poivre rose, un coeur de pivoine et de litchi que je trouve particulièrement agréable puis, en fond, le parfum se pose sur un socle de muscs blancs, d’ambre et de cèdre. « Décent » est peut-être le parfum le plus consensuel de la collection. Il est facile à aborder et à porter, impeccablement réalisé, à la fois élégant et moderne. Pour moi, c’est une création qui fera bien facilement l’unanimité car « rien ne cloche », tout est à sa place. Je le décrirai comme une valeur sûre romantique. Il aurait aussi bien pu être porté par les héroïnes de Balzac que par Lisbeth Salander dans la série des Millenium. Pour moi, « Décent » est déjà un classique, indémodable, intemporel et je ne doute pas du tout qu’il va rencontrer son public. Je n’aime pas dire cela mais, si je l’aime vraiment, je n’arriverais peut-être pas à le porter car il m’évoque une féminité parfaite. Ceci dit, je l’ai senti et re-senti pendant de longs moments et il me séduit beaucoup.
Quand Paul Émilien parle de « Topless » qu’il a créé en 2021, il en décrit ainsi l’inspiration : « Topless - c'est la brillante matérialisation d'un week-end inoubliable à Ibiza. Inspirés par la joie, l'audace et le luxe de l'île, ces souvenirs ont engendré l'idée provocante d'un parfum. Ibiza, l'île où tout commence après le coucher du soleil, l'a rempli de fêtes sur des yachts, de rivières de champagne et de femmes dénudées ». Je trouve que c’est une idée plutôt osée et il est vrai que ce parfum n’est pas sage. Il casse les codes, utilise sur la peau toutes ses facettes et invite effectivement à la fête. Voilà donc un floral solaire absolument différent, résolument original. La création m’a vraiment, il faut le dire, surpris et je suis épaté. Sur ma peau, il n’est jamais là où je l’attends. Le départ de jasmin, poudré par la rose, à la fois fruité et cuiré par l’osmanthus et rehaussé de notes vertes, m’a tout de suite fait envie puis le coeur de narcisse, poudré et encore une fois un peu seconde peau, rendu un peu vénéneux par la tubéreuse et adouci par une note lactée que je n’aime pas trop en principe en parfumerie et qui, ici, est complètement à sa place, m’a convaincu complètement. Le parfum se pose sur un fond de cèdre légèrement ambré ce qui lui assure une très belle tenue. Je me suis senti complètement emporté par ce parfum. C’est un véritable coup de coeur. Son nom me faisait un peu peur, sa pyramide olfactive me laissait dubitatif et pourtant, je l’ai vraiment aimé. Il est absolument magnifique sur ma peau. Me l’approprier, en dépit des idées reçues, me serait tout à fait facile.
Créé également par Paul Émilien en 2021, « Eternal Rainbow » m’a aussi beaucoup plu même s’il entre un peu moins dans mes goûts habituels puisqu’il s’agit d’un vrai floral fruité. « Un antidépresseur olfactif, l'incarnation de la bonne humeur ! Il offre un sentiment d'euphorie et de bonheur, enveloppant dans un voile parfumé séduisant qui allie légèreté, luminosité et esprit joueur. Des fleurs rouges, du pamplemousse mûr, du vétiver, du laurier épicé, couronné de mûres juteuses - tout un éventail d'harmonie parfumée. Lumineux et insaisissable, doux et aérien, un arc-en-ciel parfumé dans un flacon ». Un départ de fruits noirs et rouge contrebalancé par le pamplemousse, un coeur floral particulièrement réussi, qui me fait penser à un mélange de pivoine et d’autres fleurs que je n’arrive pas forcément à identifier puis un fond de vétiver avec un twist aromatique (la marque parle d’une note de laurier), il est absolument original. Pour moi, « Eternal Rainbow » porte très bien son nom, c’est un arc-en-ciel de notes finement travaillées, presque diffuses. Tout à tout vraiment classique et élégant, « juteux », fruité, floral et quand même légèrement racinaire, ce parfum me plait et j’ai aimé le porter mais attention, il est assez particulier, il ne faut absolument pas l’acheter à l’aveugle (peut-être encore moins que d’habitude) car, tout au long de son évolution, il réserve pas mal de surprises. Je ne suis pas certain qu’il me corresponde mais, honnêtement, je l’ai aimé. Il m’a semblé à la fois singulier et addictif.
« Une déclaration d'amour à la Côte d'Azur en France. Une ode aux eaux azurées de la Méditerranée, aux buissons toujours verts, aux allées bordées de palmiers et aux arbres d’agrumes », tels sont les mots de Paul Émilien pour décrire le point de départ de la création de « Sea Breeze » lancé en 2022. Là encore, le parfumeur nous emmène en vacances mais, avec cette création, il m’entraîne dans un univers que je connais un peu mieux car, effectivement, il m’évoque une promenade au bord de la Méditerranée, une fin d’été avec mon chien et me remplis de bien être. Le départ fusant de citron et de poivre rose, le coeur salé et un peu frais avec des notes de pomelo adouci par la carambole, un fruit exotique dont je connaissais le goût, et la fleur de tiaré et le fond de vétiver, de vanille et d’ambre me convient parfaitement. Là encore, Paul Émilien a su allier « parfum de vacances » et élégance. « Sea Breeze » me renvoie à des émotions que je n’avais pas ressenties depuis bien longtemps. Je le trouve très régressif (en tout cas pour moi) et il correspond à mon histoire personnelle. Il m’a vraiment ramené à l’époque heureuse des vacances d’enfant sur la Côte d’Azur, avec tous les parfums qui se mélangent. Porté, il est vraiment très beau, plein de facettes et de fraîcheur. Il m’a énormément plu et, il faut le dire, c’est un beau coup de coeur également. Je pourrais tout à fait me l’approprier même si entre « Topless » et celui-ci, mon coeur ne cesse de balancer.
J’étais un peu inquiet lorsque j’ai accepté d’essayer des parfums de la marque. C’est une responsabilité et, si je n’avais pas aimé globalement les créations, j’aurais sans doute refusé d’en faire un compte-rendu mais mes craintes se sont vites envolées car, j’ai beaucoup aimé le travail de Paul Émilien. Je regrette un peu de n’avoir pas encore senti les créations de Marzia Tissino mais ce n’est que partie remise. Il y a plusieurs parfums, notamment « Date in Paris », qui m’intriguent beaucoup. Pour ce qui est de ce que j’ai pu porter, je dirai que mon plus gros coup de coeur est celui que j’ai eu pour « Topless » qui était, sur le papier, celui dont j’attendais le moins, et que je trouve, pourtant vraiment addictif. J’espère que cet article, un peu long mais il y avait beaucoup de choses à dire, vous aura intéressé. En tout cas, j’ai pris plaisir à le préparer et à l’écrire alors longue vie à « Bybozo » !